4 Juillet 1989.
Assis sur le trottoir bordant la ligne 1 du Tramway (Bellevue-Beaujoire) j'observe autour de moi les gens qui vont et qui viennent, s'enfonçant dans la moiteur estivale, dans l'empressement imbécile d'une journée qui s'égraine.
16h10. Le tramway arrive; je sors de cette rêverie en sentant un mouvement précipité à mes côtés. Comme moi, une vingtaine d'ados tout de noir vêtus s'engouffrent dans le tortillard citadin pour se rendre au pélerinage tant attendu. Dans la rame c'est une centaine de "curistes" amassés au cours de sa pérégrination commencée à Bellevue qui se comptent désormais.
Je suis seul quant à moi à me rendre à la Beaujoire, personne dans mon entourage n'ayant su reconnaitre la qualité musicale d'un groupe aujourd'hui devenu mythique. Abasourdi, n'y croyant toujours pas je fouille pour la 10ème fois mon porte-feuilles pour y trouver le précieux sésame imprimé; oui, il s'y trouve toujours: un imprimé bleu-gris avec le visage de Robert Smith ourlé de fleurs et ces quelques mots: THE PRAYER TOUR( il me ferait penser aujourd'hui à la pochette d'un album de Cranes). Le billet est superbe, pas comme ceux qu'on fait désormais, tout juste pourvus du nom des artistes.
16h35.Arrivé sur les lieux du concert, je m'approche comme tous au plus près de l'entrée du parc des expos de la Beaujoire où se déroulera dans quelques heures le concert. Les cheveux crêpés, le rouge vif sur les lèvres et le gilet-boléro gris (comme bob dans Lullaby) sur le dos, je sympathise très vite avec d'autres fans isolés qui comme moi ressentent ce besoin de parler, d'exprimer cette passion commune. Des jeunes qui passent en voiture nous vannent gentillement sur notre look si particulier mais déjà le bruit de leur moteur s'éloigne, accompagné des hurlements de leur radio qui hurle "I should be so lucky, lucky lucky lucky".
Nous sommes désormais quatre ou cinq au sein d'une masse de 2500 fans, ensemble, prêts à communier, à appeler de nos voeux cette pluie qui ne vient pas; la chaleur nous écrase littéralement et nous pousse à commander bière sur bière.
Nous rentrons enfin dans l'antre magique et bientôt les premiers accords de Plainsong résonnent, je sens mes jambes trembler, mes poils se hérisser......la suite ?
Nantes - Palais de la Beaujoire - France
04-07-1989
plainsong
pictures of you
closedown
piggy in the mirror
a night like this
just like heaven
last dance
fascination street
lovesong
charlotte sometimes
the walk
a forest
inbetween days
the same deep water as you
prayers for rain
disintegration
lullaby
close to me
let's go to bed
why can't i be you
m
hot hot hot
three imaginary boys
boys don't cry
homesick
untitled
faith
Depuis ce soir là, ma vie a changé. Au delà de la musique qui me touche toujours de la même façon que la première fois, The cure a contribué a me construire. J'ai appris la beauté des mots, la magie d'un regard, la contemplation béate de la simplicité, les vertus de l'oisiveté et le recul nécessaire à toutes choses.
Merci Robert pour tout ça, merci Roger d'avoir ainsi usé de ton synthé, merci Porl pour tes qualités de guitariste indispensablements nécessaires à la qualité du groupe, merci à toi Boris pour ta jovialité ce soir là et un gros gros merci à toi Simon sans qui Pornography n'aurait jamais existé.
Aujourd'hui, le pétard de mes cheveux s'est effacé, le rouge de mes lèvres s'est atténué mais la palette de nuances qui ornent mon cerveau s'est élargie et c'est bien là l'essentiel; je suis toujours intrinsèquement parlant un pur Curiste, je ne collectionne plus les cartes postales, je n'achète plus les T-shirts de Bob mais je suis toujours habité de cette douce certitude que je vivrai toujours avec en moi cette formidable ferveur.
Un soir de Juillet 1989, à la sortie d'un concert je me suis assis contre un lampadaire, étourdi par les mélopées curistes, saoulé par les mots qui résonnaient encore en moi, imprimant sur mon esprit une marque indélébile dont je me souviens encore. Je suis rentré chez moi et j'ai pleuré.
Je venais de faire le deuil d'une vie.
J'en abordais une nouvelle.