10 : 15 Saturday Night

10 : 15 Saturday Night (1978)


DISTILLATION


Killing / Ten Fifteen : face a / face b ; observer / écouter ; dehors / dedans ; hors temps / heure précise ; debout / assis ; jour et nuit…

On pourrait certainement continuer encore la liste de ce qui oppose Killing an Arab et 10 : 15 Saturday Night mais, de façon étrange, on se rendrait compte que plus la liste s’allonge et plus la distance entre les deux chansons s’efface. Pile ou face ? Mauvaise question en l’occurrence et l’on sait bien que, des deux côtés du premier disque de Cure, c’est face (A). Dans les deux cas on assiste à la mise en scènes (en sons) d’un même récit fondateur, à la création minutieuse d’un même prisme sonore.

Il y a quelque chose qui relève du tour de force dans la façon dont 10 : 15 Saturday Night, à partir du seul (ou presque) motif simple d’un son qui se répète à intervalles brefs et réguliers, parvient à infiltrer les différentes strates d’une scène à l’atmosphère très cinématographique. Tic-tac des coups de baguettes qui n’ont jamais autant ressemblé aux aiguilles d’une horloge, gouttes qui suintent le long d’une guitare nerveuse, battement cardiaque de la basse. Par petites touches successives apparaît sous nos yeux une pièce à l’espace-temps réduit à rien mais tendu comme un fil de métal pointé vers l’infini.

Killing an Arab et 10 :15 Saturday Night se dessinent toutes deux autour d’un contrepoint où la banalité d’un lieu (plage ou cuisine) permet de mieux saisir l’ampleur d’une crise intérieure. Dans l’une le soleil se trouve à l’origine de la crise, dans l’autre c’est l’interminable attente d’un appel qui ne viendra pas. Comme un point d’incandescence, le solo de Ten Fifteen éclate alors en déchirements nourris de tension et d’exaspération accumulées. Pendant le temps que dure ce solo on assiste à quelque chose qui ressemble à la rupture d’une ligne temporelle et l’on a un peu le sentiment que c’est à partir de là que les gouttes se changent en larmes.

(Avec 10 : 15 Saturday Night, le thème de l’attente, du temps qui ne passe pas, de l’aiguille qui s’immobilise, devient un thème musical qui suscite sa propre forme. Il sera récurrent chez Cure et aujourd’hui encore, plus de vingt-cinq ans après ce samedi soir, une autre chanson de Cure se terminera sur une attente vaine : « and i’m still waiting », conclut-elle à regrets. Attente de la sonnerie, attente qu’une promesse soit tenue, attente de guérir, attente de vivre).

Enfin, en revenant une dernière fois vers le motif évoqué plus haut et en jouant encore avec lui, on peut lui découvrir un ultime point d’ancrage. En effet, son caractère cyclique en fait peut-être la meilleure image de l’état qui l’a fait naître et qu’il engendre à son tour : l’obsession. « It’s always the same », pour notre malheur, pour notre bonheur ; on sait bien que, la chanson terminée, ces « drip » continueront encore à couler.

Au fond de notre âme et pour longtemps.



Chronique initialement postée sur A Pink Dream ( http://www.apinkdream.org/ ) section "Reviews".

Yes ! Merci Imagho !
Cette chronique-là, si c'est pas ma préférée, c'en est pas loin !

soledad a écrit:

la version lente sur les remasters de TIB est étonnante, même si elle aurait été beaucoup moins accrocheuse, je ne m'en lasse pas....

je la prefere de moins a la version "normale"

merci pour ta review Imagho

Merci Imagho

superbe versions lors du concert de San diego 2000 pour l anniversaire de Simon

drip drip drip drip drip drip drip

seventeen seconds a écrit:

drip drip drip drip drip drip drip

J'adore l'anecdote que Robert raconte dans "Ten Imaginary Years" à propos d'un concert merdique de leurs débuts dans un trou paumé du fin fond de l'Angleterre : il y avait un type bourré qui semblait être à peu près le seul à s'intéresser un peu à la performance de Cure et qui n'arrêtait pas de hurler "Rejouez drip drip drip !!!" ; du coup, ils l'ont jouée 7 ou 8 fois au même concert !

.................drip !

C'est exactement à ça que je pensais !

10 : 15 Saturday Night se trouve dans la BO de CRAZY, film canadien de Jean-Marc Vallee et dont le héros, Zac, est né en 1960, génération des membres de Cure.

10 : 15 fait partie d'une cassette que Zac, DJ à ses heures perdues, a préparée en vue d'une soirée. On met du temps à la passer, ce qui énerve Zac qui décide d'aller faire un tour.
C'est alors qu'un malentendu se produit : deux invités croient voir Zac embrasser un garçon dans une voiture garée sur le parking. Les deux invités ne pourront s'empêcher de faire trop peu discrètement le récit de la scène, ce qui déclenchera, accompagnée du solo de 10 : 15, une bagarre où se trouvent mêlés le père et le grand frère de Zac.

A noter que les instants qui précèdent le solo subissent une déformation qui traduit la confusion et la colère montante du père de Zac.

Kotyk a écrit:

seventeen seconds a écrit:

drip drip drip drip drip drip drip

J'adore l'anecdote que Robert raconte dans "Ten Imaginary Years" à propos d'un concert merdique de leurs débuts dans un trou paumé du fin fond de l'Angleterre : il y avait un type bourré qui semblait être à peu près le seul à s'intéresser un peu à la performance de Cure et qui n'arrêtait pas de hurler "Rejouez drip drip drip !!!" ; du coup, ils l'ont jouée 7 ou 8 fois au même concert !

Alors ça c'est de l'anecdote comme je l'aime !!!

...


Merci Imagho

@ Wildspirit

Kotyk a écrit:

seventeen seconds a écrit:

drip drip drip drip drip drip drip

J'adore l'anecdote que Robert raconte dans "Ten Imaginary Years" à propos d'un concert merdique de leurs débuts dans un trou paumé du fin fond de l'Angleterre : il y avait un type bourré qui semblait être à peu près le seul à s'intéresser un peu à la performance de Cure et qui n'arrêtait pas de hurler "Rejouez drip drip drip !!!" ; du coup, ils l'ont jouée 7 ou 8 fois au même concert !

nannn délire ça !

moi c'est vraiment le début de la chanson !le rythme j'adore cette chanson indémodable !