(I don't know what's going) On (album
The Cure, 2004)
CHANSON MIRAGE
Les moments les plus forts de notre vie sont très souvent ceux où, sans qu’on s’y attende, nous rencontrons quelque chose qui trouve immédiatement un écho au fond de nous. Sans que nous le sachions il y avait en nous, caché jusque là, quelque chose qui vient de trouver son image dans le monde extérieur : on se découvre…Avec le temps on sait que ces moments sont rares, on sait qu’ils sont si forts qu’ils nous sera probablement impossible de les vivre à nouveau avec la même intensité. Aussitôt vécus, aussitôt perdus. Et pourtant …
Une bonne partie des chansons de Cure a pour origine le désir de recréer de tels instants. Robert Smith a toujours chanté la perte (la perte de soi par exemple sur le dernier album qui s’ouvre avec Lost et se clôt avec Going Nowhere) mais il n’a jamais perdu l’espoir de nous placer à nouveau dans une situation de surprise absolue où tout, l’espace d’un moment, peut revenir à nouveau (« maybe someday’s come again », disait la chanson).
Alors, chez Cure, il y a des chansons qui ont l’effet d’un charme. Le temps de quelques précieuses écoutes elles s’emparent de nous et nous font entendre, à nous seuls, des sons secrets qui ont la beauté des premières fois où la musique nous a émerveillés.
(I don’t know what’s going) On est une chanson comme on n’ose pas l’espérer : fragile, hésitante, au chant merveilleusement candide, pur miracle de clarté, à l’abri de toute pesanteur, au phrasé délicieusement « amateur ». Un chant qui part des lèvres et va toucher le cœur.
Cette chanson au rythme mal assuré glisse entre nos mains et nous échappe. Elle ressemble à ces personnes discrètes, que l’on remarque à peine dans un premier temps et qui semblent s’illuminer davantage au fur et à mesure qu’on les découvre. Comme ces étoiles que l’on discerne tout juste au premier regard mais dont l’éclat grandit pour peu que l’on prenne le temps de les observer plus longuement. Elle est comme l’âme du monde.
(I don’t know what’s going) On est entrée en moi sans que je puisse rien faire. Je n’ai pas su ce qui se passait, j’aurais dû faire plus attention au titre …
Une chanson frêle à en pleurer.
« L’on n’aime bien qu’une seule fois : c’est la première ;
les amours qui suivent sont moins involontaires. »
illustration choisie par
soledad