The Promise

The Promise (album The Cure, 2004)


GUERIR


L’air est lourd et l’on met peu de temps à se rendre compte que lentement, les uns après les autres, les nuages s’amassent au dessus de nos têtes. On est à la fois inquiets de voir le ciel prendre ces tons de fin du monde et fascinés par l’attente d’un déchaînement que l’on sait inévitable : cette promesse-là, on le sent, sera tenue.


Au tout début : un cri qui pourrait être celui d’un ange déchu. S’il y a un thème qui hante la musique de Cure (tant au niveau de sa création que de sa réception) c’est bien celui de la confiance. Mais lorsqu’on entend l’immense détresse et la frustration dévorante avec lesquelles Robert Smith chante The Promise, on ne peut s’empêcher de penser que cette chanson dépasse la simple relation de personne à personne que pourraient laisser imaginer les paroles (quelqu’un qui fait des reproches à quelqu’un qui lui a menti). On perçoit clairement la résonance d’une interrogation plus vaste. Ici, comme dans d’autres morceaux de Cure, ce thème prend probablement une dimension religieuse. On y entend des cris comme on crierait après Dieu (le thème de la confiance va rarement sans ces doubles négatifs que sont le mensonge et la trahison et sans leurs conséquences connues : le reproche et la colère).

Cette chanson ressemble au récit d’une prise de conscience. Elle se construit à partir de contrastes (les mêmes mots chantés tout d’abord de façon neutre puis ensuite avec de plus en plus de distance « critique ») et de contrepoints ; les guitares s’organisent autour de deux pôles opposés : d’un côté celui, lénifiant, des notes répétées de façon confiante, de l’autre celui d’une guitare comparable à un feu qui couve avant d’embraser tout ce qui l’entoure. A son paroxysme, The Promise prend des allures incontrôlables et la rythmique tombe telle la foudre. Parfois les mots cognent comme des coups (« you prO – mIsed – mE ») et les barrières qui retiennent un temps le flux torrentiel de cette chanson finiront par céder.

The Promise est une chanson longue. Elle s’étire en deux crescendos dont le second semble être une répétition tempétueuse du premier. Au bout de ces deux mouvements on trouvera deux constats, deux états, radicalement différents : une patience accordée à contrecoeur dans un premier temps (« and i waited »), une impatience révélée dans toute sa rage dans un second temps (« and i’m still waiting… »). On passe de l’un à l’autre comme on passe d’un profond sommeil à un réveil brusque, d’une ombre vaste au plein soleil, d’un mensonge originel à la vérité crue : The Promise est bien plus longue qu’on ne le pense : elle dure depuis des années.

Lorsque la chanson se termine, la voix se retrouve seule. Mais elle semble gorgée de colère, d’angoisse et d’impatience : un cri de détresse lancé dans le néant et dont on attend encore l’écho. A ma connaissance il n’y a que deux chansons de Cure qui se terminent ainsi sur l’expression d’un désir ardent de guérison : The Promise et Pornography.
The Cure : le nom donné à ce dernier album ne renvoie pas seulement à celui d’un groupe ; c’est aussi celui d’une quête. The Promise dure depuis des années : plus de vingt ans après l’album « rouge » de Cure le temps n’a rien changé et The Promise est là pour en prendre acte, ce en quoi elle rejoint Pornography tout en la prolongeant.


Pour tout dire : The Promise ne serait rien d’autre que le cri de stupeur qui monte en nous (et ce malgré tous les détours que la vie a pu inventer pour nous permettre de le réprimer) lorsque nous finissons par prendre conscience que nous ne sommes promis qu’à une seule chose : la mort.

Danke schön, Imagho !