M

JUSTE UNE IMAGE

M aurait cette particularité plutôt triste : elle ne serait plus un secret pour personne. Tout le monde saurait le fin mot de ce titre et quelles lettres lui ajouter pour en révéler le sens. M, chanson à clefs ? Peut-être, mais clefs des songes … si on le souhaite.

Disons donc « Mary ». Et c’est toute l’amertume d’un amour en pleine crise qui s’exprime alors, avec ironie dans un premier temps, bien plus frontalement par la suite. Disons « Marthe » cependant puisque, dans La Mort heureuse de Camus, c’est à ce personnage que s’adresse la salutation singulière que l’on retrouve, un peu modifiée, au début de M : « Bonjour, apparence ». Et puis, malgré le thème commun de la jalousie, on s’aperçoit que la liaison avec le roman de Camus s’arrête là, pour le moment du moins. Les (mots-) clefs jouent ainsi naturellement leur rôle : fermer la chanson.

Ce n’est probablement pas un hasard si le thème principal de M est celui de la prise au piège (« Twist and turn / But you’re trapped in the light ») : ce que nous sommes tentés de faire à cette chanson est raconté dans la chanson elle-même. Tel est pris qui croyait prendre. M serait un miroir que l’on a traversé avant d’avoir eu le temps de s’en rendre compte, « Hello image », et très vite nous ne serions plus que le reflet de nous-mêmes.

Tout se passe comme si tout avait été joué d’avance (« All the directions were wrong ») et de nuit (« You’ll fall in love with somebody else / Again tonight ») : on se souvient à ce moment-là que les visions nocturnes de A Forest sont toutes proches… L’image ne serait ni une façon de désigner ce (ou celle) qui trompe ni un reflet où contempler notre paranoïa mais « juste une image ». Une image de nuit. On peut alors sortir de M par là où il semble qu’elle ne s’en sorte pas : ses cauchemars.

M c’est Mary et ce n’est pas Mary. Cette chanson appelle d’autres terminaisons et, commencée dans la réalité, c’est dans les rêves et l’imaginaire qu’elle se poursuit. Ce titre n’est pas un voile pudique jeté sur le réel, il en est une remise en jeu ou, comme dirait Camus, une « apparence ». C’est une chance pour nous et cela en est probablement une pour elle aussi : quand les mots s’épuisent et que l’on atteint comme un paroxysme rentré, M semble s’en aller ailleurs.

La fin de cette chronique ne repose sur rien d’autre que l’impression d’une écoute parmi les autres, quelque chose que je ne vérifie pas, un rêve dont il ne me reste plus que le souvenir et qui permettrait de dire ceci : dans sa dernière partie, instrumentale, M semble se prolonger en des lieux qui ne seraient plus seulement les siens et qui ressembleraient étrangement aux zones grises que Robert Smith allait explorer quelque temps après. Chanson-initiale, chanson qui parle des pièges et du désir de leur échapper, M serait une chanson en forme de fuite où l’on aperçoit déjà ce qui n’a pas encore vu le jour, où l’on peut entendre ce que Robert Smith avait deviné alors : la possibilité de Faith.

J’ai peut-être rêvé.

Merci Imagho ! J'étais en manque !

Plus prosaïquement que toi, je me dis souvent que si, après une crise de couple, quelqu'un écrit pour toi une chanson de cette qualité-là, ce n'est pas surprenant de te retrouver toujours avec lui 30 ans plus tard !

On s'interroge souvent sur l'influence que des événements réels peuvent avoir sur une chanson mais c'est vrai aussi que l'on pourrait s'interroger sur les conséquences tout aussi réelles que peut engendrer une chanson (comme renforcer des liens qui commençaient à se dénouer...).

Je me dis que M est peut-être la chanson de Cure qui veut précisément parler du jeu entre la réalité et les fictions (le rêve, la littérature, ...), quelque chose que l'on retrouve probablement tout au long de Seventeen Seconds.
Pour revenir un peu vers la réalité, je me dis aussi que c'est une chanson qui parle de la maladie que peut être l'amour quand il se transforme en jalousie obsessionnelle ("You'll fall in love with somebody else / Again tonight).

Merci Imagho, une fois de plus je ne sais que dire !

Magnifique plume

@ vous, amulbu et Funeral

imagho a écrit:

Pour revenir un peu vers la réalité, je me dis aussi que c'est une chanson qui parle de la maladie que peut être l'amour quand il se transforme en jalousie obsessionnelle ("You'll fall in love with somebody else / Again tonight).

MMMMhh Oui J'imagine tout à fait !!!!

soledad

Merci beaucoup de me faire savoir ce que tu as ressenti en lisant cette chronique. Je me suis rendu compte en écrivant ces textes qu'ils me permettaient précisément de "mieux écouter" les chansons (pour reprendre ce que tu me dis si justement), c'est à dire d'y découvrir encore des choses alors que je les connais maintenant depuis des années. Cela me fait vraiment plaisir de savoir que cela "passe" lorsque tu les lis.

LeChienNoir a écrit:

imagho a écrit:

Pour revenir un peu vers la réalité, je me dis aussi que c'est une chanson qui parle de la maladie que peut être l'amour quand il se transforme en jalousie obsessionnelle ("You'll fall in love with somebody else / Again tonight).

MMMMhh Oui J'imagine tout à fait !!!!

Oui, et je me dis aussi qu'il y a peut-être une histoire de "frustration" derrière tout cela. D'ailleurs, quand j'ai commencé à écrire cette chronique, je me suis dit que le riff de guitare était un riff de frustration (quelque chose de très répétitif, très court, d'inachevé dans sa forme, quelque chose qui creuse et creuse encore), c'est ce qui m'est venu tout de suite à l'idée.

FAC

imagho never die

ta review de M me rappelle une discussion houleuse avec des ex potes curistes qui avaient un facheux discours féministe extrème et qui bannissaient le fait que Robert s'en prenne à Mary par une jalousie malsaine ...

enfin bon

ah oui sinon j'adore ce titre et à ce propos j'écoute en ce moment le boot de munich 84 ... une tuerie

pink eyes a écrit:

imagho never die

pink eyes

pink eyes a écrit:

ta review de M me rappelle une discussion houleuse avec des ex potes curistes qui avaient un facheux discours féministe extrème et qui bannissaient le fait que Robert s'en prenne à Mary par une jalousie malsaine ...

Pour moi, cette façon de voir la chanson c'est entrer dans le jeu des "clefs" dont j'ai parlé dans le premier paragraphe. On se met à parler de personnes et plus de chanson. Pour moi c'est quelque chose d'un peu triste pour M puisqu'elle fait justement tout pour échapper à cela (et c'est d'ailleurs ce mouvement de "fuite" qui, à mon sens, la rend si forte).

Merci Imagho pour cette analyse je l'adorais déja avant mais là je l'aime encore plus cette chanson
Dès que j'entends les premières notes, on sent toute suite le mystère et l'attraction de cette chanson !
un symbole...! juste M, une lettre qui peut représenter tant de choses, et la subtilité de ses paroles !bref j'adore !

et puis M comme Margaux aussi... (oui c'est mon prénom..) bin quoi on peut rêver un peu lol

Ha ouiiii bien sûr, il faut rêver M , c'est excellent de rêver ...

Pour ma part, je rêve énormément, éveillée ou dans mon sommeil

Tu aurais pu prendre M comme pseudo d'ailleurs

tiens pas bête M comme pseudo ... j'y penserai, pour l'instant je reste fidèle à Gallup !!