Secrets

DE L’AUTRE COTE DU MIROIR

Par où commencer ? Question bien légitime en l’occurrence ne serait-ce que parce que Secrets est une chanson qui a la particularité déroutante de posséder deux chants : l’un semble tout proche, nous parlant à l’oreille, le second est plus lointain, comme une plainte venant du passé. Et aucun des deux ne peut être considéré comme le simple écho de l’autre. Secrets apparaît en même temps ici et ailleurs, tout à la fois sur un premier et un arrière plan, n’existant ni dans l’un ni dans l’autre mais dans l’intervalle qui les sépare.

Tout le peu de temps que Secrets durera, elle ne fera jamais que cela : nous échapper. On aura rarement vu mélodie plus fuyante : le thème initial, joué à la basse tout d’abord, glisse ensuite discrètement d’un instrument vers un autre, au risque même, à un moment, de se perdre en des lignes de fuite esquissées à la guitare. Un piano délicat le fera réapparaître avant qu’il regagne enfin la basse du début. Et s’éteigne définitivement.

Secrets est insaisissable et, contrairement à certaines chansons qui souhaiteraient durer toujours, son seul désir semble être de rejoindre le silence. Il faut imaginer cette chanson comme forcée de sortir du silence et, par la suite, usant de tous les tours pour disparaître à nouveau. Sa structure, divisée en deux parties de durées équivalentes, est une image de ce désir : dans un premier temps Secrets chante (toutes les paroles sont dites quand la chanson n’en est qu’à sa moitié) et, dans un deuxième temps, elle se fait instrumentale. D’une certaine manière cette chanson est incomplète et c’est probablement ce qui la rend aussi belle.

On aurait tort de croire que la partie muette de Secrets n’a pas de mots à dire. Car si cette chanson à un moment se tait, il se pourrait bien que ce soit afin de pouvoir à son tour se livrer à ce qui devait lui être interdit : nous écouter. En effet, Secrets opère à la façon d’un miroir offert à ceux qui se penchent vers elle et qui, à force de l’écouter, ont fini par se rendre compte qu’elle en faisait de même. Dans la symétrie de Secrets, à la manière des miroirs sans tain, on devine l’existence d’un hors champ invisible où notre âme pourrait se loger tout entière.

Comment parler de Secrets et ne pas les trahir ? Comment mettre des mots sur une musique à laquelle on ressemble au point de courir le risque de ne plus trop savoir quand on finit de parler d’elle et quand on commence à parler de soi ? Comment ne pas céder quand une chanson semble n’ouvrir une porte sur ses secrets qu’à la seule fin de mieux abriter les nôtres ?

Secrets est faite pour nous. Et vice versa.

I wish i was yours…

Parfait.
Merci beaucoup pour ce que tu prends la peine d'écrire, imagho.

I wish i was yours…

Troublant aussi comme cette petite phrase revient très discrètement en fin de chanson (et avec une seule des 2 voix, je crois : la lointaine) ; en effet, les paroles se sont arrêtées à mi-parcours, mais, au cas où on ne l'aurait pas remarqué, Robert est toujours présent, il "nous écoute", comme tu le dis, Imagho, et il se permet juste de se manifester très brièvement... Cette chanson est bouleversante de subtilité ; je ne suis guère étonné que tu aies ressenti l'envie d'en parler, bien qu'elle apparaisse assez rarement au hit-parade curiste...

Bon, Imagho, après la superbe chronique de In Your House, une évidence s'impose : les chansons de Seventeen Seconds t'inspirent particulièrement ! Je peux te lancer un défi (parfaitement amical, bien sûr !) ? Pour la prochaine chronique, pourquoi ne pas parler de At Night ? A mon avis, il y a beaucoup à en dire, et le fait de l'avoir entendue live l'année dernière, dans une version un peu différente, pourrait apporter de l'eau au moulin...

J'aime beaucoup l'idée de cette présence silencieuse dans la seconde partie de Secrets ainsi que la façon de l'évoquer, si discrètement, comme tu le soulignes, Kotyk.

Sinon, j'ai commencé une nouvelle chronique et je voudrais la terminer avant d'en entamer une autre. J'espère que ce ne sera pas trop long. En tout cas, celle qui suivra sera consacrée à At Night.


@Descent

J'adore ce que tu écris........
Merci beaucoup, imagho

Fist

En tout cas ça fait vraiment plaisir de lire tes chroniques, Imagho. Je retrouve des choses que je "ressens" en écoutant l'album. Tes chroniques il faudrait les faire lire à Robert.

looking-glass-girl a écrit:

Tes chroniques il faudrait les faire lire à Robert.

Alors ça, ce serait vraiment bizarre ! J'ai toujours l'impression qu'il fait partie d'un autre monde

Merci Imagho

merci Imagho je crois qu'il n'y a rien à rajouter, tout y est dit.

Toujours aussi époustouflée par tes "analyses"...


Bravo

Merci beaucoup à vous, amulbu, ice et Wildspirit

C'est tout a fait ce que je ressens !!!
c'est une de mes chansons préférées !!!
tu viens de mettre les mots sur mes sentiments
bravo à toi !

Avec Imagho c'est la magie de l'écriture et de l'interprètation, je suis bluffée à chaque fois, me laissant sans mots !

Je le lis et je lis ce que je ressens ! Je ne sais pas comment il s'y prend, c'est extraordinaire

Imagho

yep c'est bien vu

Merci à vous

une chanson inépuisable