Going Nowhere

Going Nowhere (album The Cure, 2004)


L’EPREUVE DU REEL


A l’écoute des premières mesures de « Going Nowhere », on peut facilement avoir le sentiment de « reconnaître » cette chanson. On la rattache très vite, en raison de ses sonorités feutrées, à une veine connue de la musique de Cure : celle à laquelle appartient une chanson comme « Trust », par exemple. Mais, comme souvent chez Cure, tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît au premier abord et, quelques minutes plus loin, c’est bien dans l’inconnu que « Going Nowhere » se terminera. Entre temps on aura assisté au spectacle émouvant d’une chanson qui s’enraye.


« Going Nowhere » se construit en deux parties : d’une part, une introduction purement instrumentale d’où s’échappent par instants des notes cristallines, et d’autre part, clairement détaché de ce premier mouvement, le « corps » de la chanson, la partie chantée.
Mais, et c’est là que la piste se brouille : il n’y a pas de conclusion. Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, « Going Nowhere » s’arrêtera là, comme au milieu de nulle part, et on attendra vainement le retour d’une partie instrumentale qui aurait « équilibré » le morceau. On reste en suspens, mais comme au-dessus d’un gouffre.

D’une certaine manière nous avions été prévenus : à la fin de l’introduction la chanson menaçait déjà de s’arrêter. Plus tard, trop tard, on comprendra qu’il s’agissait d’une première image des vraies cassures qui suivront : celle de la voix et celle de la fin « prématurée » de la chanson.
On aura rarement eu autant qu’avec « Going Nowhere » l’impression qu’une chanson se trouvait amputée d’une partie d’elle-même. Elle aurait « dû » être plus longue, peut-on se dire, mais quelque chose s’est passé qui en a fait autrement.

C’est qu’il semble bien que « Going Nowhere » nous montre ce qu’aucune chanson n’ose montrer habituellement : ses limites. Elle nous donne à voir le moment où, arrivée au bout d’elle-même, elle ne peut que lâcher prise. Ce qui touche dans cette chanson c’est précisément le fait qu’elle ne puisse pas aller plus loin (et cela pour des raisons qui sont presque d’ordre « physique »), à la manière de cette voix qui s’étrangle, qui se brise et finit par n’être plus qu’un soupir. Sous nos yeux, elle se brûle les ailes au feu de la réalité et ce qui l’interrompt ce ne sont pas les contraintes formelles d’un genre musical, ce sont les larmes qui l’étouffent.

C’est ainsi que la chanson s’achève comme un chemin que l’on perd et bien plus vite qu’on ne se l’était jamais imaginé.


Etrangement, et ce malgré sa facture d’aspect plutôt « classique », il est très probable que « Going Nowhere », au même titre que « Lost » par exemple, soit une des chansons emblématiques de The Cure. C’est tout le paradoxe d’une chanson qui, s’appuyant sur une ligne familière, permet de mettre en évidence la nouveauté qui la travaille.
Peut-être même, dans son parcours très inhabituel, « Going Nowhere » se donne-t-elle comme une des images possibles de la musique de Cure : celle de sentiers connus que l’on emprunte dans la seule fin d’en dévoiler les ramifications inconnues. Quitte à s’y perdre.

comme pour labyrinth, je vais réécouter aussi! going nowhere je l'aime bien, c'est vrai qu'elle sonne très "Cure", que ce soit dans les paroles ou dans l'ambiance générale. et puis contrairement à d'autres titres sur l'album, ya pas de surplus de paroles, et c'est pas plus mal...
imagho, comme d'hab, ta review,

C'est vrai que je trouvais aussi qu'il y avait un réel paradoxe dans cette chanson : son côté à la fois classique et bancal. C'est pourquoi je la rapprocherais plutôt de Bird Mad Girl et son "but it's impossible" qui s'évanouit que de Trust qui demeure classique de la première à la dernière note, même si musicalement plus proche.

Sa position inhabituelle y est aussi pour quelque chose : une chanson post-scriptum qui prend le risque de se placer derrière la longue chanson épique qui clot habituellement l'album. Seul Disintegration avait tenté cette expérience avec Homesick et Untitled mais très différemment, plutôt à la façon d'un long ajustement enfonçant définitivement le clou...


J'étais un peu en froid avec Going Nowhere ces derniers temps, je viens de comprendre pourquoi : elle ne peut être appréhendée que dans la continuité de l'album, comme une virgule de respiration, comme tu l'as très bien dit Imagho, alors que j'ai pris l'habitude de passer des plages du CD car je n'aime pas tout (croyez-le ou non, mais The Promise m'ennuie) et de filer directement sur Going Nowhere après (I Don't Know What's Going) On, ce qui est, il est vrai, aberrant...

Kotyk a écrit:

Sa position inhabituelle y est aussi pour quelque chose : une chanson post-scriptum qui prend le risque de se placer derrière la longue chanson épique qui clot habituellement l'album.

J'étais un peu en froid avec Going Nowhere ces derniers temps, je viens de comprendre pourquoi : elle ne peut être appréhendée que dans la continuité de l'album, comme une virgule de respiration

J'aime bien le fait que ce soit elle qui conclut l'album (au moins en France). J'aime bien le fait que cet album se termine sur cette "respiration", comme tu le dis, Kotyk. Je trouve que cela donne à The Cure une note de fragilité finale qui contrebalance bien d'autres morceaux, plus "solides", comme The Promise, bien sûr. Et j'aime bien aussi le fait qu'après tant d'années The Cure soit toujours capable de faire ce genre de "petites" chansons.

Merci looking

Je ne sais plus quel qualificatif employer Imagho, encore félicitations .....

Amulbu

merci beaucoup pour cette review Imagho

comme pour labyrinth, encore toutes mes felicitations a notre chroniqueur adore et bravo aussi a soledad pour sa collaboration !!
Honnetement, sur ce systeme, on se ferai bien toute la disco de cure, hein ? lol
bises a tout les deux et encore bravo

Fist a écrit:

Honnetement, sur ce systeme, on se ferai bien toute la disco de cure, hein ? lol

Qui te dit que ce n'est pas vers ça qu'on s'achemine, Fistounette ?
On compte tous sur Imagho, le pauvre, se rend-il compte de la pression qu'on met sur ses épaules ?

Bon Imagho j'ai contacté l'éditeur il est ok pour le 23 Avril, ca marche toujours ?

j'aime assez ton rapprochement avec trust! un peu dans l'esprit, moi c'est surtout avec To Wish impossible things que je ferais le rapprochement!

c'est vrai que c'est le morceau qui sonne le plus Cure avec This Morning je trouve!

C'est vrai qu'il y a To Wish impossible things, il y a aussi les clochettes de Pictures of you et, plus généralement, la grande ombre de Disintegration, comme le dit soledad (au passage, merci pour la traduction, et celle de Labyrinth ). Ce que j'aime bien avec Going Nowhere, c'est qu'avec son air "de rien" elle tente d'aller un peu plus loin que ce son-là et que, ce faisant, elle en invente un autre.


merci encore une fois à tous, je vais essayer de continuer ces reviews, j'aimerais en écrire plus, mais je suis pas très rapide... Pinaise, j'avais promis à Ben de plus écrire en petit...